LE GRÉSIVAUDAN : SAVOIR-FAIRE
Ce descriptif patrimonial a pour objectif de présenter les paysages induits par l’activité autour et dans la ville de Grenoble à l’époque de la révocation de l’Edit de Nantes, lors du passage des réfugiés à Grenoble et leur cheminement sur les chemins de la vallée du Grésivaudan.
Le fer est connu depuis l’Antiquité dans le massif de Belledonne. On l’extrayait d’abord de filons affleurant le sol, puis on creusa des mines. Le minerai était épuré, désulfurisé et décarbonaté et transformé par réduction dans un bas-fourneau. On en retirait une masse de fer spongieuse, la loupe de fer. Un séjour prolongé de cette masse sur des charbons de forge permettait un enrichissement en carbone. On obtenait ainsi des aciers de diverses nuances. De la qualité du bois utilisé dépendait la réussite de la coulée de fonte.
Au fil du temps, le bois devenant cher et rare, les hauts fourneaux furent améliorés et le bois remplacé par du coke. Depuis, le fer de Lorraine était produit à un coût inférieur et les hauts-fourneaux de la vallée du Grésivaudan cessèrent peu à peu leur activité.
Le haut-fourneau de la forge d’Allevard dans le Grésivaudan produisit ainsi des aciers considérés à la fin du 18ème siècle parmi les meilleurs du royaume.
Les forêts, au 17ème et 18ème siècle, sont épuisées par le développement des haut-fourneaux, le défrichement lié aux cultures sur brûlis et la recherche de bois d’œuvre pour la construction et la marine à Toulon. Les mâts et antennes des navires à voiles doivent être légers, résistants, souples et élastiques. Seuls les résineux à croissance lente et à cernes fins, soumis à de longues saisons de froid rude satisfont à ces exigences : sapins et pins de montagne. Le commerce du bois pour la marine est exempté de droits de douane et de péage. Par contre, l’acheminement des grands bois, de la coupe à la rivière -où les radeliers les prennent en charge- cause de graves dégâts aux chemins. 40 à 50 paires de bœufs peuvent être impliqués pour l’extraction des mâts de plus de 30m. A La Tronche se trouvait un chantier d’entrepôt et de stockage des bois de la marine de Chartreuse.
Autre activité artisanale dévoreuse de bois, la poterie de terre, très présente à Grenoble et en Grésivaudan au 17ème siècle. (La Terrasse, La Flachère, Saint-Pancrasse…)
La pierre est, aux siècles précédents, le principal matériau de construction après le bois. A Grenoble, la pierre de taille, calcaire provenait principalement des carrières de Fontanil, de Sassenage et de la Porte de France. Elle servait surtout à la construction de châteaux, monuments publics…
On recense également des carrières de belles pierres à Laffrey, à Tullins et à Voreppe (pierre tendre). Le tuf de carrières au Sud-Ouest de Grenoble sert à construire les églises de Vizille, Notre-Dame-de-Mésage, Saint-Georges et le château de Vizille. Les pierres à plâtre sont extraites à Champs et Vizille où on trouve une lentille d’albâtre enfouie sous l’abbaye de Notre-Dame-de-Hautecombe.
La rivière Isère, navigable à partir de Montmélian, supportait, probablement depuis le Néolithique, des radeaux et des pirogues. Les gallo-romains développèrent une navigation commerciale importante avec des bateaux à fond plat. Outre de nombreux ports ruraux, il y avait les ports urbains de Grenoble : le port de La Roche en rive droite, les ports de la Madeleine, de la citadelle et de la Graille en rive gauche. Des moulins à eau étaient aussi installés le long de la rivière.
Relativement indépendant du centre-ville jusqu'à la fin du 18ème siècle, l'île Verte, un quartier de Grenoble, situé dans un méandre de l'Isère à la sortie nord de la ville, devient un lieu de passage incontournable en direction de la vallée du Grésivaudan, grâce à la construction du pont de l'Île verte reliant Grenoble à La Tronche. Les dernières murailles des fortifications qui le séparaient du centre-ville sont détruites en 1959, permettant de créer le boulevard Maréchal Leclerc. Ce quartier est actuellement un des plus peuplés de la ville, du fait de ses grands immeubles (les trois tours, mais aussi l'immeuble en « S »).
Au 18ème siècle, la Tronche est un village animé autour du bac et de la vie artisanale des chamoiseurs, des faïenciers, cordiers… On pratique la culture des vignes sur la colline du Rachais, au-dessus de la Bastille, et principalement du chanvre dans les plaines. L’ile verte est dédiée à la vie pastorale et à la culture ; les ouvriers de la Petite Tronche y viennent quotidiennement en bac pour effectuer des travaux agricoles. Ces quartiers sont situés en bordure de l’Isère, le principal moyen de transport de marchandises avant le 19ème siècle. Ailleurs d’autres bacs permettaient le passage d’une rive à l’autre.
Le bac de Claix fut établi par Lesdiguières pour le transport des produits maraîchers vers les marchés de Grenoble. Un pont remarquable est construit sur le Drac à l’endroit ou les travaux d’endiguement de Lesdiguières fixent son cours. Construit début 17ème siècle, les paysans continueront d’utiliser le bac en raison de son prix modique. Les bacs à traille sont apparus au 14ème siècle et assuraient le transit des barques d’une berge à l’autre. Le traille (gros câble en chanvre) tendu entre les rives, maintenait la barque fixe par rapport au courant.
A l’époque romaine est construit le pont qui restera le seul à Grenoble (régulièrement détruit par les crues, il était en bois ou en maçonnerie), aujourd’hui le pont piéton.
Déstabilisant la ganterie rivale de Grasse, la révocation de l’édit de Nantes permet à la ganterie grenobloise un développement important. La fin du 17ème et le début du 18ème siècle symbolisent alors une grande prospérité économique pour la ville et ses alentours, dont la vallée du Grésivaudan. A la fin du 18ème siècle, cette activité procurait déjà du travail à plus de 5000 personnes. Les ouvriers-coupeurs se réunissaient dans les ateliers, alors que les couturières et les brodeuses travaillaient, pour la plupart, à domicile dans les parties les plus reculées du pays.
Autre aspect déterminant pour la lecture du paysage en Grésivaudan au 17ème siècle: la forme et l’orientation des parcelles des propriétés, étroites, linéaires et profondes. Situées sur le coteau, perpendiculaire à l’Isère, ces parcelles intègrent un accès à la rivière aménagé selon la distance à la rivière et la hauteur sur le coteau. On y cultive les terres basses avec leurs propriétés de fertilité et d’humidité particulières, mais tributaires des crues. Puis en remontant on trouve des prés, des vignes dans les terroirs secs et caillouteux du coteau et pour finir, tout en haut, du bois…
Après les guerres de religion, il y eut un grand mouvement d’expansion agricole. On voulut tout livrer à la charrue, défricher tous les bois jusqu’au bord des rivières même. La vogue du défrichement au début du 17ème siècle fut calmée par les inondations du 14 et 30 novembre 1651. La Cour du Parlement par des arrêts de 1651, 1655, 1672, 1682 interdit de défricher des bois, surtout en montagne.
Sources : Histoires des chemins du savoir-faire de la Vallée de l’Isère au pied de la bastille. Document de l’Association Trans’Savoir-Faire créée en 2007 à l’initiative de l’APHID, Patrimoine et développement, Patrimoine Meylannais, Union du quartier Ile Verte et l’Union de quartier petite tronche. Une exposition temporaire sur le sujet a eu lieu en 2007 avec l’aide du SIPAVAG et de la municipalité de La Tronche.
Blog de Pierre Blanc – Biviers.
L’endiguement de l’Isère en Grésivaudan par Maurice Agard dans la Revue de géographie alpine de l’année 1942.