FORT-BARRAUX
Pensant pouvoir profiter de l'épuisement de la France, ravagée par les guerres de religion, le Duc Charles-Emmanuel 1er de Savoie estime que le moment est propice pour agrandir ses Etats en direction de Grenoble; mais c'était compter sans le roi Henri IV et surtout sans le duc de Lesdiguières.
La construction
En automne 1597, le duc prend la décision d'édifier à Barraux, en territoire français, sur la rive droite de l'Isère une véritable forteresse, dans les règles de l'art de l'époque. Il confie la construction du fort à l'ingénieur piémontais Ercole Negro, marquis de Saint-Front, le meilleur de son époque. En guise de provocation supplémentaire, le duc décide de donner au futur Fort-Barraux le nom de Fort-Saint-Barthélemy, faisant référence à l'effroyable tuerie de la saint-Barthélemy à Paris, où des milliers de protestants furent massacrés par une populace déchaînée. C'était une manière de plus de narguer Lesdiguières, qui était alors protestant.
La construction du fort se fait à l'aide de milliers d'ouvriers dont beaucoup viennent du Bugey, alors possession savoyarde. Les chênes vénérables de la forêt delphinale de Servette, entre Barraux et Chapareillan, sont coupés. Les remparts sont construits avec des pierres provenant de la carrière appelée "Le Replat", au-dessus de Barraux ; d'autres viennent sans doute du réemploi du grand château delphinal de la Buissière et de celui de Bellecombe, au-dessus de Chapareillan.
La prise du fort
Lesdiguières, "le renard du Dauphiné", ne bouge pas. Henri IV lui écrit alors une lettre pour lui manifester sa surprise de voir le duc de Savoie construire un fort sur les terres françaises sans qu'il n'intervienne.
"Sire, lui répond Lesdiguières, la construction d'un fort à cet endroit est particulièrement bien choisie. Mais en raison de l'état des finances du royaume, il vaut mieux que ce soit votre cousin de Savoie qui en fasse la dépense. Quand il sera à peu près terminé et avant qu'il y mette une garnison sérieuse, je le prendrai."
Ce qui fut fait, dans la nuit du 15 mars 1598, il y a plus de quatre siècles. Le fort fut pris par ruse. Un berger avait l'habitude de faire paître ses bêtes dans les fossés et la nuit de l'attaque, le troupeau avait doublé d'importance: les soldats, couverts de peaux de moutons, se relevèrent et prirent le fort sans peine.
Dès sa conquête, le roi Henri IV entreprendra d'y installer une garnison sérieuse. Comme Dauphinois et Savoyards, le même peuplement de montagnards parlant le même patois, s'entendent presque trop bien, il trouve la solution. Il fait appel à un régiment de Suisses et Grisons du canton de Fribourg, qui présentent un triple avantage : ils sont catholiques, ce qui est important en cette époque où les guerres de religion couvent encore sous la cendre. Ils parlent français, et surtout, ils détestent les Savoyards.
Pendant près de deux siècles les régiments de Haydn et de Reynold tiendront garnison à Fort-Barraux et la forteresse est toujours restée française.
Vauban au Fort-Barraux
En septembre 1692 : Grenoble est une fois de plus sous la menace du Duc de Savoie. Vauban inspecte le Fort-Barraux, en même temps que les autres places des Alpes. Il s'agit là sans doute d'un premier contact avec le "verrou" du Grésivaudan. L'impression n'est pas fameuse mais toujours est-il que Vauban fait contre mauvaise fortune bon coeur et il va consacrer au Fort-Barraux son énergie et ses compétences habituelles.
n.d.l.r. Il est important de mentionner ici que c'était aussi Vauban qui osa, d’abord en 1687, soit deux ans après la Révocation de l’Édit de Nantes, puis de nouveau en 1689, envoyer à Louvois un Mémoire pour le rappel des Huguenots. A une époque où tout le monde, la Cour, la Ville, louait Louis XIV d’avoir révoqué l’Édit de Nantes, Vauban est pratiquement le seul à aller à contre-courant et à demander que le roi rappelle les Huguenots.
Depuis 1597, Fort-Barraux constitue l'une des plus anciennes et des plus prestigieuses places défensives des Alpes. Exemple unique de l'architecture de Vauban en Rhône-Alpes, classé au titre des Monuments Historiques en 1990. le site est aussi un véritable lieu de mémoire pour les deux guerres mondiales.
Source : Fort-Barraux, Quatre siècles d'histoires... par François Lesbros et édité par le Syndicat Intercommunal Bréda Isère Bresson.
Visites : Office du tourisme du haut-Grésivaudan 04 76 97 68 08