LE BARON DES ADRETS
La province du Dauphiné fut l'une des premières en France à adhérer à la révolution religieuse « anti papale et étatiste » et le mouvement réformiste s’y propagea rapidement. Tout d’abord le voisinage de Genève facilita le rayonnement et la diffusion de l’enseignement de Calvin.
Le Grésivaudan ne fut apparemment pas touché par ces idées nouvelles. Au 17e siècle il n’est fait aucune allusion à des familles qui auraient adhéré à la réforme. Il est cependant fait mention d’abjuration de quelques protestants et de quelques reconversions.
En revanche la vallée subit le contrecoup du passage ou du séjour des troupes catholiques et protestantes qui se livrèrent une guerre fratricide et intermittente de 1562 à 1590. Les premières furent celles du Baron des Adrets, François de Beaumont (1512 – 1587), qui fut choisi comme chef par les Huguenots. Très vite le baron se signala par ses cruautés et ses dévastations. Les églises en particulier souffrirent de ses exactions. Il anéantit ainsi nombre de chefs d’œuvre de l’art du Moyen Âge. À Grenoble, il fit détruire les tombeaux des Dauphins et pilla la cathédrale. L'abbaye de Saint-Antoine et la cathédrale de Saint-Maurice de Vienne eurent elles aussi beaucoup à souffrir et portent toujours les traces de leurs mutilations. Il avoua dans une conversation avec d’Aubigné en 1574 plus de quatre mille meurtres de sang-froid et d’invention de supplices inouïs.
Grenoble fut prise par le Baron des Adrets en 1562, après le massacre de Wassy en mars, étincelle qui alluma la guerre. Sous prétexte de se venger de la démolition du temple des Huguenots, le baron des Adrets détruisit les croix et les images refusées par le nouveau culte et s’attaqua aux couvents de la région. En mai ce furent la cathédrale et les couvents de Vienne. En juin les soldats pillèrent la Grande Chartreuse, Premol, la Sylve Bénite, l’abbaye de Saint-Antoine, la chartreuse de Saint-Hugon, le prieuré de Villard-Benoit et celui de Saint-Martin avec le vol des vases sacrés, des chandeliers, des draps d’or, des réserves de vin et surtout la mise à mal de la bibliothèque, des livres de comptes et des terriers. Le règne du Baron fut de courte durée mais violent. Dès 1563, les Huguenots se défiant de lui l’écartèrent.
En 1572, lorsque la nouvelle du massacre de la Saint-Barthélemy se répandit, elle provoqua de nouvelles exactions (août-octobre 1572). Toutefois, le lieutenant général du roi, Gordes, protégea les protestants, limitant le nombre de victimes dans la région. Mais un furieux désir de vengeance réveilla le parti protestant.
À partir de 1575, Lesdiguières devint le chef unique des Huguenots dans la région. Maître du Champsaur natal, Lesdiguières, dans sa marche vers Grenoble occupa La Mure en 1577, laquelle bien fortifiée devint alors le point de départ et de repli pour les incursions que les protestants menèrent en Grésivaudan.
Il parvint à défendre Corps, à s’emparer de Gap mais il ne put empêcher la reprise de la Mure par les catholiques. Pendant le siège de La Mure, Montbonnot et les villages voisins durent accueillir une partie des troupes de la Ligue ainsi qu’une partie des blessés. Il s’empara également de Montélimar et d’Embrun. L’accession d'Henri IV au royaume lui permet de s’allier à La Valette, gouverneur du Dauphiné, et Ornano, Lieutenant-général de la province. Ils durent cependant affronter la Ligue catholique. Ces derniers s’emparèrent de Grenoble. Lesdiguières vint faire le siège de la ville et au bout d’un mois d’escarmouches, il s’empara de la capitale dauphinoise en 1590. Briançon et Crest avaient déjà signé leur reddition, Vienne, la dernière, le fit en 1591. Il devint le maitre de toute la province.
En Dauphiné la période 1580 – 1590 aura été la plus calamiteuse d’une longue succession de misères. La lassitude et le désespoir s’emparaient des populations, la famine et la peste venant s’ajouter aux ravages de la guerre civile.
L’Edit de Nantes est signé en avril 1598 par Henri IV. Ennemond Rabot d’Illins, seigneur de Hautefort, et premier Président du Parlement du Dauphiné, était célèbre pour ses discours destinés à ses conseillers. Le Roi le chargea de mettre en application le traité de l’Edit de Nantes. Exercice difficile en ces temps. Louis XIV, par l’Edit de Fontainebleau, révoque l’édit de tolérance en octobre1685.
Après la révocation de l’Edit de Nantes, le passage en Grésivaudan est périlleux pour les réfugiés. Des brigades de nuits monnaient la capture de Huguenots en fuite auprès des autorités de Grenoble.